Le 8 septembre 2025, la réforme du Code de procédure pénale (CPP) a été publiée au Bulletin officiel (loi n° 03-23)1. Elle entrera en vigueur dans trois mois, soit le 8 décembre 2025.
Objectif affiché : moderniser l’enquête et le procès, mieux encadrer la garde à vue et renforcer l’information des victimes. Les débats restent vifs sur les poursuites des crimes financiers et l’action civile des associations.
CPP ≠Code pénal : deux textes, deux fonctions
Le CPP règle la procédure : enquête, garde à vue, instruction, jugement, voies de recours.
Le Code pénal (CP) définit les infractions et les peines.
La réforme publiée le 8 septembre concerne la procédure, pas le fond des infractions. Les révisions du CP suivent un autre calendrier politique.
Ce que change la réforme, en pratique
La garde à vue est mieux encadrée. Information immédiate des droits. Accès plus précoce à l’avocat. Interprète si besoin. Des outils de traçabilité sont annoncés tels que des enregistrements aux étapes clés.
Ladétention préventive doit être motivée et rester l’exception.
LesVictimes sont davantage informées et accompagnées aux niveaux juridique et social, avec des dispositifs spécifiques pour les femmes et les mineurs.
Un Observatoire national de la criminalité voit le jour pour appuyer la politique pénale par la production et l’analyse des données.
Peines alternatives : un contexte qui compte
La réforme du CPP arrive alors que la loi 43-22 sur les peines alternatives est entrée en vigueur le 22 août 2025.
Surveillance électronique. Travail d’intérêt général. Amende journalière.
Les premiers jours ont livré des chiffres symboliques : 53 peines prononcées en cinq jours. 650 bracelets disponibles à la DGAPR. Ce socle opérationnel renforce le message : moins de courtes peines de prison, plus de réponses adaptées. (Telquel.ma)
Les points qui fâchent
Deux articles concentrent l’essentiel des critiques :
Article 3 : les enquêtes et poursuites pour atteintes aux deniers publics ne peuvent être engagées que sur requête du procureur général près la Cour de cassation à partir de rapports d’organismes publics (Cour des comptes, inspections générales, Instance nationale de probité). Les opposants y voient un recentrage excessif.
Article 7 : l’action civile des associations est conditionnée à une autorisation du ministère de la Justice, avec des critères resserrés. Des ONG et juristes y voient un recul du contrôle citoyen. Plusieurs appellent à la saisine de la Cour constitutionnelle.
Effets attendus… et limites
Sur le papier, la rĂ©forme permet d’aligner davantage la procĂ©dure sur les standards de procès Ă©quitable. Elle impose l’information immĂ©diate des droits en garde Ă vue, garantit l’accès Ă l’avocat dès les premières heures et exige la motivation de toute privation de libertĂ©. Elle ajoute un pilotage par les chiffres : l’Observatoire national de la criminalitĂ© produira des statistiques pĂ©nales et des analyses pour orienter l’action publique (loi n° 03-23, B.O. n° 7437 du 8 septembre 2025).
Le Ministère de la Justice met en avant cette modernisation comme une étape d’un chantier plus large.
Dans les faits, l’impact dépendra des moyens : formation des acteurs, équipements d’enregistrement en garde à vue (GAV), guides d’application, gouvernance de l’Observatoire.
Affaires passées : ce que la réforme ne changera pas
Le CPP est une loi de procédure. En droit marocain, ce type de loi s’applique immédiatement aux procédures en cours, mais ne rouvre pas les dossiers définitivement jugés (autorité de la chose jugée). Les condamnations anciennes ne sont donc pas automatiquement remises en cause. Les contestations d’anciens jugements restent cantonnées aux voies extraordinaires (révision, grâce, réhabilitation) dans des conditions strictes.
Enjeux internationaux, réalités nationales
La réforme sert une image de modernisation et de prévisibilité. Elle vise la confiance des justiciables et des partenaires internationaux. Elle s’inscrit dans une séquence où l’exécutif insiste sur l’État de droit et la qualité de la justice. La crédibilité se jouera dans l’exécution : formation des acteurs, équipement pour la garde à vue, gouvernance de l’Observatoire, et clarté des lignes de saisine en matière financière.
- Texte promulgué : loi n° 03-23, Bulletin officiel n° 7437, daté du 8 septembre 2025 (édition générale, SGG). Entrée en vigueur : trois mois après publication. Voir l’annonce officielle et les reprises de presse confirmant la date et le numéro du B.O. ainsi que les axes de la réforme. (sgg.gov.ma) ↩︎
Source : Le Code de procĂ©dure pĂ©nale publiĂ© au Bulletin officiel – MĂ©dias24 numĂ©ro un de l’information Ă©conomique marocaine, Le projet de loi sur la procĂ©dure pĂ©nale, une Ă©tape inĂ©dite sur la voie de la modernisation du système pĂ©nal national (M. Ouahbi), Le nouveau code de procĂ©dure pĂ©nale, une Ă©tape clĂ© dans le chantier de la rĂ©forme globale de la justice (Ministère), Peines-alternatives-la-loi-43-22-entre-officiellement-en-vigueur-TelQuel, ProcĂ©dure pĂ©nale : Les associations anti-corruption passent-elles Ă la trappe ? [INTÉGRAL]